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Du 12 au 17 février 2024, l'Autorité de régulation des marchés publics a organisé une semaine dédiée à la commande publique sous le thème : « Investir dans le capital humain pour améliorer la performance dans la commande publique ». Il a été constaté que ce domaine doit être envisagé comme un véritable levier stratégique de développement socio-économique. Cependant, des efforts doivent être menés pour gagner ce pari.



La commande publique est l’ensemble de contrats passés par une personne publique pour satisfaire ses besoins. Elle regroupe marchés publics, délégations de service public, contrats de partenariat, etc.

 

Le secteur fait parler de lui dans beaucoup de pays dont le Burundi. Raison? Il bénéficie de montants colossaux qui devaient lui permettre d’atteindre ses objectifs. C’est-à-dire, la satisfaction des services publics, et précisément, des besoins de la population. Toutefois, au lieu de viser la meilleure performance possible en termes de coûts et services, la commande publique est régulièrement pointée du doigt pour son inefficacité. C’est du moins ce que regrette Jean-Claude Nduwimana, Directeur général de l'Autorité de régulation des marchés publics : «Elle est particulièrement exposée au gaspillage, à la fraude et à la corruption.»

 

Pour illustrer, près de 10 milliards BIF c’est le montant qui a été récupéré au cours du premier trimestre, exercice 2023/2024. Le directeur national de contrôle des marchés publics, Gervais Ngirirwa indique que cette somme était due au réalisme des prix et a l’attribution des marches avec favoritisme. Il faut rappeler que le mardi 6 décembre 2022, lors de la Journée du contribuable, le Président de la République Evariste Ndayishimiye avait dénoncé des «Calculs frauduleux » au cours des passations des marchés publics. Il avait d'ailleurs exigé du directeur national de contrôle des marchés publics rigueur et sérieux. Pour le chef de l’Etat, seule l’abandon d’anciennes « pratiques » est la clé pour réformer le secteur.

Face à cette situation, le Directeur général de l'Autorité de régulation des marchés publics appelle les autorités contractantes à changer de mentalité. Jean-Claude Nduwimana les instruit à tenir compte du volume des transactions. Il souhaite en outre qu’ils se souviennent du fait que la commande publique constitue le poumon du développement socio-économique du pays. « Les administratives publiques dépensent des milliards. Elles doivent être particulièrement attentives aux risques de fraude et de corruption dans les procédures d'obtention des contrats ».

Savoir exprimer le besoin



Hormis la transparence, la structure renforcée [des lois sévères], il existe une autre astuce importante que les experts suggèrent en vue d’améliorer la commande publique. C’est le savoir-faire. Pour Jean-Claude Nduwimana, Directeur général de l'Agence de régulation des marchés publics, le professionnel en commande publique doit être compétent. C’est-à-dire qu’il doit avoir une éducation et une formation efficaces lui permettant de comprendre clairement ce dont son institution a besoin avant de passer la commande.  « Nous avons constaté un manque criant de personnes capables de bien spécifier les produits et services. Au niveau des institutions, il y a un manque de personnes compétente », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « il faut au moins qu’il y ait des séances de renforcement de capacités pour que les autorités soient à mesure d'assurer les responsabilités leur assignées par le Gouvernement ».

Dr. Youssef Farajallah, consultant indépendant marocain auprès d’institutions publiques et privées abonde dans le même sens. Pour l’homme d’une expérience de 27 ans dans le secteur des marchés publics, avant de passer la commande publique, il faut d'abord savoir exprimer le besoin. Le caractériser par une définition scientifique et technique qui permet à toute personne quelle qu’elle soit de comprendre exactement ce que vous voulez dans sa dimension, sa technicité et son utilisation. Cela permettra, selon Youssouf, d'éviter des litiges au cours de l’exécution. « Plus le besoin est bien exprimé, plus il y a moins de problèmes. » assure-t-il avant d’expliquer : « Si par exemple vous voulez de l'eau à boire et que l'on vous donne celle puisée n'importe où, vous ne payez pas. Mais si vous dites je veux de l'eau minérale qui contient tant de calcium contenu dans une bouteille fermée à chaud, ... là le risque de litiges est très minime ».



Un autre vice souvent dénoncé dans ce domaine est l'exagération. D’après le spécialiste, celle-ci vient du fait qu'on consomme ce qu’on a comme budget plutôt que de répondre aux besoins. « Par exemple, je regarde mon budget, j'ai un milliard de BIF. Je n'ai besoin que de deux véhicules. Mais comme j'ai beaucoup d'argent dans le budget, j'achète quatre véhicules à des montants exorbitants. Dans ces conditions, il peut même sembler que l’autorité contractante a respecté les règles et les procédures. Mais qu'en réalité elle est en train de dilapider l'argent public », fait-il remarquer.

Pour couper court avec cette mauvaise pratique, Youssouf trouve qu’il devrait y avoir deux choses : la responsabilité et la responsabilisation. D'abord, chacun doit prendre ses responsabilités. Et s’agissant de la responsabilisation, chaque fois que vous terminez votre mission vous devez rendre compte, annuellement. Ce n’est pas seulement question de respecter les règles et lois. Il faut aussi montrer des résultats mesurables et vérifiables. C’est la recherche de ce niveau d’efficacité qui conduit à la mise en place d’un système de sanctions sévères. En fait, il s’agit d’un système traitant tout le monde au même niveau d’égalité.

Selon Etienne Buregeya, professeur d'Université, l'Autorité de régulation des marchés publics doit se doter d’une cellule de contrôle. Celle-ci permettrait d’examiner de façon significative les besoins exprimés par les autorités institutionnelles par rapport à la commande publique. Même si le système budgétaire a changé passant au budget programme, indique-t-il, il faut que l’organe de régulation se dote d'une compétence avérée pour bien détecter si réellement les besoins exprimés par les autorités administratives rentrent convenablement dans la ligne de la vision du « Burundi émergent 2040, et développé en 2060 ». Si non, avertit-t-il, le risque de ne pas y arriver est grand. « Prenons un exemple de Burkina-Faso où on a installé une centrale électrique solaire pour plus de cinq cent millions d’euros. Mais plus tard, on a constaté que le projet n’est pas du tout adapté à la situation du pays ». Pour Buregeya, le personnel des marchés publics aurait pu commencer par des études de faisabilité avant d’agir.

S’inspirer des autres, …

Pour pouvoir avancer et améliorer le secteur de la commande publique, des professionnels suggèrent normalement que le Burundi puisse créer des organisations professionnelles de passation et de gestion des marchés publics. Il devrait aussi soutenir des établissements d’enseignement qui répondent aux besoins de la commande publique à l’instar du Sénégal qui est avancé en la matière. 

Saer Niang, Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics au Sénégal indique que chez eux, ils ont créé un centre de formation [Institut de régulation de la commande publique] qui est d’ailleurs devenu aujourd’hui un centre de formation international.  « Nous avons créé le centre pour avoir des spécialistes en passation des marchés publics, des gens qui sont à mesure de répondre aux attentes publiques en termes d’expression de besoins ». Niang fait savoir que chaque année, le centre parvient à former entre mille et mille cinq cent personnes qui ont une bonne compréhension  non seulement de procédure de passation des marchés publics mais également de toutes les connaissances qui sont derrières les marchés publics quel que soit le type de marché. 

Innovations,…

Autre chose que les experts proposent pour améliorer la commande publique c’est de revoir les dispositions du code des marchés publics en vigueur. Ils ont émis des grandes innovations à l’avant-projet de loi portant révision du Code des marchés publics pour promouvoir la bonne et saine gestion des marchés publics et des délégations de service public. Il s’agit notamment d’accorder l’importance aux biens produits au Burundi et aux sociétés commerciales enregistrées au Burundi lors de la passation de marchés. Et ce n’est pas tout. Les mêmes experts insistent aussi  sur les principes de séparation des missions des organes impliqués dans la gestion des marchés publics. Pour ces eux, les organes de passation, de contrôle et de régulation doivent guidés en tout et partout par le principe de recevabilité et déterminer également avec clarté la qualité des personnes responsables des marchés publics.

 

En conclusion, la commande publique constitue un levier stratégique du développement socio-économique. Ce qui signifie que le domaine doit être pris avec pincette pour atteindre aux objectifs des politiques publiques.

 

 

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